Homo Burnatus

My Photo
Name:
Location: Vevey, Vaud, Switzerland

Un épicurien qui mord à pleines dents dans la vie

Saturday, February 28, 2009

On the road again 1 (Sydney)

Salut a vous chers lecteurs, j'espere que vous allez bien ? Moi, je suis un peu ereinte apres une journee de marche a travers les Blues Mountains qui se trouvent a deux heures de train de Sydney. C'est la que les gens de la ville vont chercher le frais et passer le week-end dans cette region entoure d'une nature sauvage et grandiose.


Mais je vais commencer par le debut, mon arrivee ici en provenance du Vietnam s'effectue par un vol de Singapore Airlines, une dizaine d'heures a se laisser dorloter par le personnel de bord, avec une courte escale a Changi, l'aeroport de Singapour. Toujours attentif et aux petits soins pour les passagers. Vraiment la classe ! Le vol passe presque trop vite a mon gout car a part la bonne chere, nous avons la de quoi rendre le vol bien agreable. Des films recents pour tous les gouts selon que vous etes europeens, chinois,indiens ou encore japonais. De la musique a profusion. Bref, a chaque vol avec cette compagnie, c'est toujours un plaisir.


L'avion s'est pose a Kingsford Smith International Aiport a midi tapant. Les formalites de douanne sont un petit peu longuets car l'Australie a toujours la crainte que les voyageurs introduisent des choses qui peuvent mettre a mal la faune et le flore du pays. Alors on fait la chasse aux plants, aux animaux, a tout ce qui est nourriture a l'exceptions du chocolat deja confectionne. J'ai ensuite pris un Aiport Shuttle qui a la particularite de deposer le voyageur directement devant son hotel. Le mien est une auberge de jeunesse, le YHA, tres populaire ici en Australie. Celui de Sydney est la rolls de sa categorie, pour un prix raisonnable, vous avez un lit dans un des immeubles tres bien situe de la ville avec tout ce que le voyageur peut desirer comme prestation. Services de voyage, de reservation pour d'autres YHA du pays, de transferts pour l'aeroport, soirees a themes etc... En plus, il est dote d'une piscine sur le toit, de restos, de bars etc... Vraiment tres bien comme truc, sauf que les single rooms, il y en a pas beaucoup, et les doubles sont un peu cheres pour une personne seule. Alors j'ai du me contenter d'un dortoir de quatre avec le risque de tomber sur tout et n'importe quoi.


En touts cas, les 3 premiers jours, je suis tombe sur de droles de compagnons, des gens qui ne repondent jamais a votre salut. Peu causants et en plus d'un sans gene grave. Ils s'approprient tout, les prises electriques, les chaises, les espaces communs etc... Et flotte toujours dans cette chambre une odeur de panards mal laves, doublé de celle d'habits sales et mouilles qu'on laisse secher comme ca. Je peux vous dire que pour dormir la nuit dans de telles conditions, il faut etre solide. Il y a la un gars, le plus desagreable de tous, qui se pique de meditations. Alors dans la journee, il fait encore jour, il faut de l'obscurite a monsieur pour faire ses exercices de yoga et de culture physique, et il faut surtout pas allumer ou tirer les rideaux car le bonhomme veut etre dans la penombre. Mieux vaut ignorer, si non ca tournera a la bagarre. Je peux vous dire que ce n'est pas l'envie qui me manquait. Ou un autre que je surnomme le dormeur car de jour comme de nuit, chaque fois que je rentre dans la chambre, il dort. Zarbie je vous dis !

A present ca va mieux, depuis deux jours, j'ai d'autres copains de chambre, des Hollandais beaucoup plus charmants que ces 3 zigotos. Alors tout va de nouveau pour le mieux.


A part ca, what's about Sydney ? Mais c'est tout simplement une cite magnifique, multiculturelle et bouillonnante, lové dans une baie de toute beauté dont les emblemes sont le Harbour Bridge et l'extraordinaire Opera en forme de voiles multiples qui se deployent dans le ciel de Sydney. C'est une grande ville mais encore a visage humain. A part le quartier de City, il y a peu de grands et hauts immeubles. Et beaucoup d'espaces verts comme le Grand Jardin Botanique et le Domain ou il est agreable de flâner parmi ces droles d'oiseaux au longs becs apprivoises et des familles qui pique-niquent sur l'herbe ou des employes de bureau du voisinage qui viennent manger un sandwich entre deux.


J'ai aussi la chance d'etre a YHA qui est situe tout pres de George Street, la grande artere qui traverse presque Sydney de part en part. De la, on a acces a tout ce que la ville compte de sites interessants a visiter. Avec, en plus, Central Station juste a cote d'ou partent les trains inter-villes et ceux de City Rail qui desservent toute la ville. Ce qui veut dire que depuis ou je suis, on peut quasiment faire tous les centres d'interet a pieds.


Le premier apres-midi en arrivant, je suis alle baguenauder aux Rocks, le quartier historique de Sydney, ou s'est etablie la premiere colonie europeenne de la ville, un coin avec des rues pavees et des charmants edifices coloniaux bien restaures ou flotte un petit air d'histoire. Ensuite un tour a Sydney Harbour a deux pas de la, avec son fameux Opera et le Harbour Bridge qu'un peut traverser a pied, en haut duquel, on a une vue grandiose sur toute la baie. De l'autre cote du pont, on arrive a Lanson, un quartier tranquille ou j'ai mange un repas thai le premier soir de derriere les fagots.

Le lendemain, mon choix s'est porte sur Manly de l'autre cote de baie qu'on peut atteindre en ferry. C'est un moyen de transport pratique et permet aux touristes de jouir d'un panorama fantastique de cette baie.


Manly est le joyau de la rive nord, une etroite peninsule qui s'alonge juqu'aux spectaculaires falaises de North Head. Les gens viennent surtout ici pour paresser sur les plages de sable blanc, nichees un peu partout sur la cote. Et le long de cette cote est amenage un sentier de randonnee de 9 km, vous partez du niveau de la mer pour monter jusqu'a une altitude de quelques centaines de metres, de toute beaute. Mais il vaut mieux etre en bonne forme physique car par moment, ca grimpe sec et surtout sous un soleil qui tape dur. Je l'ai fait bien sur car le vieux se sent dans une excellente forme physique.

Au retour, en fin de journee, il est temps de prendre un autre ferry depuis Circular Quay sur Sydney Harbour pour se rendre a Darling Harbour dans l'ouest du centre ville. Il s'agit d'anciens docks transformes en boutiques de luxe, de restos branches qui drainent tout ce que Sydney compte de yuppies qui viennent se pavaner sur les terrasses du port. Interessante sans plus.
A deux pas de la, en revenant sur George Street vous tombez pile sur le China Town ou tout un quartier de Sydney parlent et mangent chinois et ou les noms de rues et les enseignes des magasins sont en deux langues. Des alignes de restos de 'Food Court" ou les plats copieux et delicieux se consomment a prix derisoires. C'est mon quartier favori pour la bouffe, on y trouve, en plus de la cuisine de toutes les regions de Chine, aussi celle du Vietnam, de la Coree, du Japon etc...

A propos des fils du ciel, c'est une communaute tres dynamique ici en Australie. On les trouve partout, de la Nouvelle Galles du Sud, jusqu'au fin fond de la Tasmanie. En tout cas ici a Sydney, on en voit enormement, et aussi des Vietnamiens qui sont arrives depuis la chute de Saigon vers le milieu des annes 70, et ils sont pas moins actifs que les Chinois. Moi qui arrive de Saigon, je ne suis pas du tout depayse car a tous les coins de rue, j'entend parler vietnamien. Dement !

Les jours suivants, Wooloomooloo (joli nom n'est ce pas ?) un quartier boheme a cote de Kings Cross qui est tout aussi baba-cool avec en plus pas mal de marginaux qui trainent leur spleen dans les rues. Entre deux, je reviens souvent au Centre vers Matin Place qui se targue d'etre plus ou moins le vrai centre de Sydney avec MacQuarie Street juste a cote qui compte le plus de batiments historiques de la ville.

Hier, la journee etait consacre a Bondi Beach, la plage a voir et a etre vu a Sydney. Belle plage de sable fin, mais plutot petite, rien de tres cassant donc, par contre c'est sympa de voir les surfeurs s'adonner a leur sport favori.

Je suis venu pour voir Bondi donc mais surtout pour faire la randonnee sur la route cotiere qui mene de Bondi a Cogee Beach. Neuf kilometres de marche sur une promenade cotiere amenagee de toute beaute. Le soleil tape fort et la route par moment monte pas mal, a l'arrivee, j'etait plutot content de prendre un bus pour rentrer sur Sydney centre. Et, une douche plus tard, d'aller diner a Surry Hill qui abrite une population heteroclite et une tapee de restos ethniques de quasi tous les pays du monde, bons et pas chers. Et boire un verre dans un de ces pubs sympas du coin pour bien finir la soiree.

Aujourd'hui, mon dernier jour a Sydney, je me suis rendu dans les Blues Mountains, ou la porte d'entree est la ville de Katoomba. Comme j'ai dit plus haut, le coin sert de refuge du week-end pour ceux qui veulent fuire l'effervescence de la capital de la Nouvelle Galles du Sud.

Katoomba est une petite ville charmante avec ses B&B typiques et ses cafes Art deco. Une sympathique atmosphere et un climat plus clement que Sydney. La petite ville et ses voisines Leura et Wentworth Falls sont entourees forets de gommiers et de gorges (profondes bien sur !) une nature sauvage et pleins de chemins de randonnees bien amenages vous permettent de faire de belles excursions sans trop de difficultes. Katoomba est aussi celebre pour les montagnes qui se nomment les 'Three Sisters" qu'on peut voir depuis un mirador nomme 'Echo Point" juste a la sortie de la ville.

Apres m'etre tape, quasiment tout la journee, ces sentiers de montagnes de Katoomba, je suis pas mecontent de rentrer a Sydney pour me restaurer et essayer de finir le billet consacre a Sydney a votre intention mes lecteurs adores.

En tous cas, Sydney est une superbe experience, d'un multiculturalisme legendaire, une magnifique ville qui va rester bien dans mon esprit. Traditionnelle terre d'immigration et figure d'Eden pour pas mal de desherites jetes sur la route. Cette ville est composee d'une multitude de communautes differentes, ayant garde leur tradition, mais aussi fiers d'etre des "Aussies" citoyens d'un pays jeune et dynamique et donc le resultat est un melting pot etonnant.

C'est vrai qu'ils sont adorables ces Australiens avec une "decontraction attitude" legendaire, malgre l'origine britanique de la majorite de ses citoyens, ils n'ont rien de coinces comme leurs lointains ancetres.
Je reviendrai volontiers en Australie plus longtemps pour voir le reste, car il y a tant de belles choses a voir dans ce beau pays. Mais pour l'heure, il va falloir que je vous quitte car l'ecran de mon ordi va devenir noir vu que la recharge n'est pas effectuee. Alors je vous dis a bientot pour un autre billet qui sera sur la Nouvelle Zelande ou je vais arriver demain en fin de journee. D'ici la, je vous embrasse bien fort mes chers. See you soon mates !

John Peter

Thursday, February 26, 2009

Sur les traces du passe [suite et fin] (Delta du Mekong -Saigon)

Salut a tous, a mon retour d'An Loc, pour changer les idees et echapper un peu a la chaleur etouffante de Saigon, j'ai pris un package pour 2 jours d'excursion dans une region se trouvant a l'Ouest du Sud-Vietnam plus connue des occidentaux sous le nom du Delta du Mekong.

Devant etre a Saigon le samedi afin de voir l'ami Claude qui a du bosser toute la semaine, j'ai pris un tour organise pour touristes avec transport, hotel etc... a l'exception des repas qui sont a notre charge. C'est un peu contraire a mes principes routards je sais, mais il ne me reste plus que jeudi et vendredi pour le faire alors autant passer par une agence, et vu le coût derisoire de ces tours, je suis plus gagnant surtout pour le temps, que si je fais tout par moi meme.

Le Delta du Mekong est la mere nourriciere du Vietnam, et aussi de pas mal d'autres pays, maintenant que le Vietnam est classe au troisieme rang d'exportateur de riz mondial ! Cette region ainsi appelee car ce grand fleuve qu'est le Mekong, apres avoir pris sa source au Tibet et traverse plein de d'autres pays d'Asie, finit ici au Vienam dans ce delta ou le fleuve se divise en deux branches principales qui s'appellent le Tiền Giang (« fleuve à l'avant ») et le Hậu Giang (« fleuve à l'arrière ») ; celles-ci entrent en mer de Chine méridionale par neuf estuaires, expliquant ainsi le nom vietnamien pour le fleuve, "Sông Cửu Long" qui signifie le fleuve de neuf dragons.

C'est une region benie des dieux ou les rizieres sont a perte de vue. Avec deux recoltes par an, elle couvre largement le besoin du pays en riz et exporte le reste dans le monde entier. En plus du riz, tout pousse dans ce pays qui est egalement couvert de vergers regorgeant de fruits. Le coin est entourre d'eau, constelle de tant de rivieres et d'arroyos qu'une barque a plus de valeur qu'une voiture. Et on y trouve aussi plein de "fish farms" qui elevent des poissons destines a l'exportation et ou la peche est egalement florissante. Bref, tout pour bien faire !

D'ailleurs la nouveaute pour les touristes est que l'aller du trip est maintenant effectuee par bateau depuis Saigon et retour par la route. Bonne initiative, car la descente de Saigon a My Tho, la premiere ville d'importance du Delta en bateau est superbe avec de beaux paysages et pleine de scenes de vie typique tout du long du parcours. Le fleuve prend une telle importance dans cette region que lorsqu'une femme se marie, on dit qu'elle traverse la rive. Le terme finit par s'imposer aussi au reste du Vietnam lorsqu'on parle de mariage.

J'y ai passe deux journees sympas en compagnie d'autres gentils touristes sous la conduite debonnaire d'un jeune gentil GO, avec au programme, le premier jour, un petit marche flottant a Ben Tre ainsi qu'un tour d'arroyo a bord de petits sampans et la visite d'une fabrique artisanale de fruits confits puis des vergers avec degustation de fruits typiques vietnamiens, agremente de musique folklorique. Rien que du classique avec ces tours organises. Pas tres transcendant mais pas desagreable non plus.

Et apres une nuit a Can Tho, la capitale du Delta, nous sommes alles tot le lendemain matin voir le fameux "foating market" du coin, le plus grand et le plus interessant du Vietnam où dès poltron minet, il y a deja une activite incessante sur l'eau. Des bateaux de toutes tailles se livrent a une sorte de ballet qui s'approchent, qui s'eloignent pour faire du commerce. Tous les bateaux ont a la proue une sorte de longue perche et au bout de laquelle, sont attachees la ou les marchandises qu'ils sont censes vendre. Certains n'ont au bout de cette perche qu'une courge, d'autres qu'une botte d'haricots et d'autres encore, pleins de legumes, fruits ou encore d'autres marchandise. Et se faufilent au milieu des tous ceux-ci, une multitude de petites embarcations vendant des soupes, des sandwiches et toute sorte de nourriture. Tres pittoresque et c'est vraiment un moment typique et sympa a passer.

Dans l'apres-midi, nous avons repris la route pour Saigon ou je suis arrive vers le debut de la soiree. Le temps de me rendre compte d'un appel de Claude sur mon portable et une demi-heure plus tard, stresse et douche, pret pour une experience culinaire sympa au fameux "Com Nhieu", un resto plutot branche de la capitale. Je m'y suis rendu en "moto-taxi", une institution ici au Vietnam. N'importe qui possede une petite moto (50 cc) peut s'improviser "mototaximan" et on trouve de plus en plus de femmes qui le font car la demande des clientes est en augmentation. C'est un moyen de transport bon marche et pratique car avec la circulation chaotique dans la capitale, les motos se frayent plus facilement un chemin dans cette jungle urbaine. Et comme le chomage frappe durement aussi ici, c'est une activite qui a encore de beaux jours devant elle meme si la concurrence est feroce. Certaines personnes font ca comme un 2e boulot a la fin d'une journee de travail normale.


Nous a rejoint au "Com Nhieu" une ami veveysanne de Claude, Delphine qui arrive de Ha Noi ou elle est en poste depuis une annee apres avoir ete a Manille et aussi a Saigon. Une veveysanne, vous rendez vous compte ? Le monde est vraiment devenu un village. Pourtant je n'ai pas le souvenir de l'avoir croisee en ville de Vevey et encore moins au "Natio". Il faut dire que Delphine se trouve en Asie depuis 3, 4 ans si j'ai bien compris. Ceci explique surement cela.
Nous avons deguste un excellent repas dans ce resto ou la specialite a un petit rapport avec l'enseigne: il s'agit d'un riz special, legerement plus sec et cuit dans une marmite en terre cuite. Lorsque la cuisson est obtenue, les serveurs cassent la marmite devant les clients et le riz reste colle comme un gros gateaux rond qu'il faut par la suite debiter en petits morceaux. Plus spectaculaire que vraiment bon. Enfin, c'est mon humble avis. Par contre le reste etait exquis. Apres ca, nous avons termine par quelques bieres a Pham Ngu Lao et refaire le monde jusque tard dans la nuit.

Le lendemain, sur gentille proposition de Claude, j'ai quitte l'hotel ou je suis descendu depuis le debut de mon sejour pour passer la derniere nuit chez lui.
Claude vit dans une belle maison sise dans un quartier tranquille pres de l'aeroport de Tan Son Nhut. En taxi, cela fait a peine 5 minutes, pratique pour quelqu'un qui a un avion a prendre. Nous avons passe ainsi un dimanche soir tranquille autour d'un repas leger a l'europeenne: jambon de Parme, fromage de Gruyere et pinard Australien. Une soiree sympa a parler surtout de nos amis en Suisse et des voyages passes ou a venir. Merci encore mon cher Claude au cas ou tu liras ces lignes. Et au plaisir de te revoir au mois de juillet dans la douce Helvetie.

Voila mon sejour au Vietnam arrive a son terme. Place maintenant a l'Australie, Sydney plus precisement et qui sera, mes chers, l'objet de mon prochaine billet. D'ici la, je pense a vous, mais oui, ce n'est pas une blague et je vous embrasse tres fort. A tout bientot.

JPB

Tuesday, February 24, 2009

Sur les JO traces du passe 3 (An Loc 2 et fin)

Cela fait maintenant 3 semaines que je vis dans un bunker de cette place forte militaire qui se prepare a resister jusqu'au dernier car la fuite n'etait tout simplement pas possible. Nous etions encercles par 3 divisions communistes appuyees par l'artillerie et un certain nombre de chars russes. Les defenseurs de la ville se battaient a un contre trois, et apres les premiers jours de l'attaque, la moitie de la ville etait deja dans leurs mains. Les renforts envoyes par Saigon n'arrivaient pas car il fallait progresser sur cette nationale 13 qui etait completement bloquee par les assaillants.

La vie continue tant bien que mal pour tout le monde dans la base. Au moins les nouvelles qui nous parviennent sont rassurantes car la situation est plutot calme dans la zone ou se trouve ma maman. Mes copains et moi, nous passons nos journees a esperer une bonne nouvelle concernant la situation militaire et aussi a etre epargnes par les obus qui peuvent tomber a tout moment. Les soldats de notre bunker ont la tache dangereuse de maintenir les transmissions telephonistes. Ils doivent souvent effectuer des sorties perilleuses pour reparer des lignes, sous la menace constante des snipers, ou des obus tires par nos communards des hauteurs des alentours. Nous, on s'occupait comme on pouvait, comme nous ne sommes pas tous dans le meme bunker, nous profitons des moments calmes pour nous rendre visite les uns aux autres avec toujours le risque de recevoir un petard sur la tete. Et justement c'est quand c'est calme que le danger est le plus grand car vous etes a decouverts, et c'est la que les autres ont un certain plaisir a vous surprendre.

Ce que nous redoutions tous finit par se produire, un jour en sortant des bunker pour prendre un peu d'air et s'echanger des nouvelles, un obus tombe a l'improviste a fauche un des notre et blesse legerement deux ou trois autres amis, j'etais indemne par miracle. Et une autre fois, pour monter faire ses besoins (car dans ces bunkers peu sophistiques, il n'y a pas de toilettes !), un autre copain a ete blesse et malgre la petite gravite de sa blessure, le pauvre est mort une semaine plus tard faute de soins adequats et de medicaments.

Combien d'amis, de connaissances, j'ai vu ainsi fauches dans la fleur de leur jeunesse. La guerre, cette p... de grande faucheuse, ne fait jamais de difference.

Et puis un matin, ce qu'on craignait encore plus que les obus est arrive. Nous avons recu l'ordre de deguerpir car le gouverneur ne voulait plus de civils dans cette base. Et le probleme pour moi est que nous sommes enjoints par le Big Chef de rejoindre les autres civils survivant qui vivent sous une relative protections des soldats a la partie nord de la ville. Une zone completement a l'oppose de celle ou vit ma maman et ce ne sera pas evident pour moi d'aller la chercher. Pour des raisons que j'ai parle plus haut et meme si la bataille commence a perdre un peu de son intensite et evolue plutot vers une drole de guerre de position, elle n'en reste pas moins dangereuse et faire toujours plein de morts et de blesses tous les jours surtout parmi les civils. J'ai fait plusieurs tentatives pour essayer d'aller la recuperer mais aucune n'a abouti car je ne savais pas par ou passer et j'ai meme essuye des tires en quelques circonstances. Pour moi le risque etait trop grand.

Cela fait maintenant bientot 10 jours que les copains et moi se re trouvent dans cette zone qui est relativement epargnee par rapport a d'autres quartiers de la ville. Et les gens essayent d'organiser un semblant de vie normale pendant des accalmies un peu plus frequentes par rapport au debut de la bataille. Les gens se mettent a troquer des choses entre eux car l'argent n'avait plus autant de valeur. Et c'est ainsi que l'un de mes copains a pu echanger un peu de riz recupere lors des parachutages contre un peu de tabac avec un membre des minorites ethniques qui vivent en temps normale dans les forets autour de la ville. Du coup, tous les matins j'ai pris l'habitude d'aller lui quemander un peu de fumette. Ce matin la, nous venons de rouler une cigarette avec ce tabac grossier qu'en temps ordinaire, nous dedaignons avec mepris. Soudainement, une explosion sourde retentissait au dessus de notre tete. Un petit obus (heureusement) a explose contre le toit de tole nous surplombant, une forte douleur dans le dos me fait comprendre que j'ai ete touche. Et un morceau de tole reste plante dans ma tete dont la moitie etait encore dehors. Un coup de pince pour le retirer et c'est bon ! Quant a mon dos, j'etait quitte pour un trou avec un petit shrapnel dedans mais heureusement que ce n'etait pas trop grave. Finalement l'explosion de l'obus n'a cause que des degats legers, mon copain s'en est tire avec deux dents cassees car un petit eclat lui a tape la bouche et ses deux dents de devant ont fait office de "para-shrapnel". C'etait ma premiere blessure de guerre.

Cela dit, comme vous avez lu plus haut, la guerre est toujours la et l'encerclement ne faiblit pas. Toujours coinces dans An Loc, nous assistons tous les jours a des scenes drammatiques ou des familles sont parfois detruites entierement. Un long cortege de morts et de blesses causes par des pilonnages des assaillants, et aussi, l'ironie du sort, par des tires amis. Des dizaines de morts et de blesses ont ete ainsi causes une fois par nos helicopteres qui ont pris notre coin pour un campement communiste.

Un matin, un evenement s'est produit. Lors d'une de ces accalmies, je vois avec etonnement passer un soldat d'aspect un peu louche, juche sur une moto et cigarette au bec juste devant nous. Mes amis me disent que c'est certainement quelqu'un qui se livre a des trafics du genre marchandises prises des parachutages contre toute sorte de choses des civils telles que l'or ou d'autre bijoux par exemple. Deja qu'une moto qui roule et, denree rare a ce moment la, la cigarette. Intrigue, je demande a ce soldat d'ou il venait et la, bingo. Il me dit venir de l'autre cote, de la partie sud de la ville. Celle ou se trouve precisement ma mere. J'ai demande sans trop y croire s'il me prendrait avec avec lui car j'aimerais aller ramener ma maman ici avec moi. A ma grande surprise, il l'accepte et me dit de l'attendre au coins de la route quand il reviendra de ses affaires.

Derriere le soldat sur sa petit moto, j'ai compris mais un peu tard qu'il fallait faire une demi boucle de la ville en contournant precisement devant le QG et passer de l'autre cote. C'est comme ca que j'ai compris que le front s'est stabilise et la ville est bel et bien partagee en deux camps bien distints.

Arrives devant sa position situee a cote de l'eglise, derriere laquelle, il y a un petit bois, et juste apres ce bois se trouve le quartier catholique ou s'est refugiee ma mere avec moi au debut de la bataille, le soldat me dit de faire attention en y allant car, d'apres lui, l'ennemi est juste de l'autre cote de la route. Drole de guerre je vous ai dit.

Et la, en me voyant partir en direction de l'eglise, le gars m'a couru apres et me dit: "c'est mieux que je t'y conduis car tu risques de ne pas t'en sortir, en plus des bruits couraient comme quoi, les civils qui vivent la ont quitte recemment le coin".

Et nous deux de depasser l'eglise et de s'enfoncer dans le bois en direction du quartier catholique. Au milieu du bois, voyant un groupe de quelques civils creuser un trou pour enterrer quelqu'un, le soldat me dit qu'il vaut mieux leur demander si les rumeurs de depart qu'il a entendues etaient fondees. Juste avant de les atteindre, de loin, je voyais une dame tourner la tete vers nous. Avec un mauvais pressentiment, j'ai reconnu Mme Cai qui etait notre voisine en temps normal et avec qui ma mere est restee quand je l'ai quitte pour aller avec les soldats au QG d'An Loc.

Quand nous nous approchons, me reconnaissant, la dame s'est mise a pleurer. C'est comme si le ciel etait tombe sur ma tete, petrifie, j'ai compris que la personne a mettre en terre etait ma mere. Je suis arrive avec un jour de retard. P... de sort, quel destin de con ! Elle mourait la nuit precedente en disant a cette dame que son fils lui manquait et elle espere qu'il s'en sortira. Je me sentais coupable de n'avoir pas reussi a la recuperer plus tot, juste un jour de plus. Pourtant ce n'etait pas faute d'essayer, au peril meme de ma vie. Comme dans un mauvais melo realise par un mauvais cineaste, le scenario a ete ecrit comme ca sans que j'ais la possibilite de le modifier. Notre voisine me dit qu'au moins j'ai pu la voir et lui faire un dernier adieu avant qu'elle ne soit mise en terre. Contrairement a beaucoup d'autres qui n'etaient meme pas enterres. C'est vrai, mais je suis inconsolable, et je m'en veux pour n'avoir pas pu faire ce qu'il fallait avant. Lorsque tout est fini, en voulant remercier le soldat pour sa bonte, je constate qu'il s'est eclipse discretement. Sans doute par soucis de ne pas gener. Mon bon soldat inconnu, quoi qu'il ait pu faire, il a prouve par son action qu'il est une personne bien, qui a du coeur. Je ne l'oublierai jamais et j'espere qu'il a pu survivre a cette bataille et s'en sort plus tard a la paix revenue. J'ai toujours une pensee pour ce monsieur depuis plus de trente ans.

Presque 3 semaines plus tard et une seconde blessure, plus grave que la premiere (j'ai maintenant 3 jolies petits trous dans le dos avec 3 morceaux de sraphnel dedans) j'ai pu quitter la ville en me joignant a tout ce qu'il reste de civils de cette ville qui n'en peuvent plus d'etre assieges et de souffrir si longtemps. Nous etions aussi favorises par l'essoufflement des communistes et aussi par les renforts qui ont reussi a s'approcher davantage de la ville le long de cette sanglante route qu'est la nationale 13 de sinistre reputation.

En tentant une sortie de derniere chance, nous avons reussi, qui apres 2 jours de marche, qui grace a deux helicos comme moi (une chance inouie, car nous etions une vingtaine sur 3, 4 milliers de personnes a etre pris par ces 2 helicopteres qui ravitaillaient une position sud-vietnamienne sur la N 13, quand nous etions bloques la apres etre sortis d'environ 15 km de la ville), a atteindre Lai Khe a mi-chemin entre An Loc et Saigon et de ce fait , completement hord de danger.

Apres une nuit dans le camp de refugies de Binh Duong, j'ai pris le lendemain un bus pour Saigon et aller me presenter au Consulat suisse dans cette meme ville. Tout le monde me croyait mort !

Car ils ont fait passer tous les soir un avis de recherche a la Television sud-vietnamienne et ils n'ont jamais recu de nouvelles. On m'a propose de me rapatrier en Suisse aux frais de la Confederation, mais j'ai refuse, ce que je voulais c'est que mon pere soit informe de la situation, afin qu'il me fournisse une aide et pour l'instant, je voulais rester encore au Vietnam au cas ou An Loc sera degagee de son siege pour pouvoir assurer une meilleure sepulture a ma mere. Helas, le siege d'An Loc n'a ete leve que des mois plus tard, et pour des raisons de securite, les civils d'An Loc n'ont plus le droit de revenir dans leur ville. Non seulement, elle a ete a plus de 90% detruite, il y a aussi le probleme des grenades, obus pieges, bombes non explosees etc...

Une annee plus tard, plus d'espoir de revoir An Loc avant longtemps, je me suis resigne a venir en Suisse retrouver mon pere et a cause de la situation politique (la victoire du Nord sur le Sud du Vietnam en 1975, s'ensuivaient de longues annees ou le Vietnam reunifie etait ferme aux etrangers) je n'ai pu revenir dans ce pays qu'en 1995 en compagnie de mon pere et de ma belle mere. Nous n'avons passe que 3 heures dans cette ville, qui n'etait toujours pas reconstruite completement et l'endroit ou ma mere etait enterree n'existait plus, du moins comme a l'epoque. L'eglise etait tjs au meme endroit, le petit bois derriere etait tjs la mais les tombes ont disparu ! Desespere et submerge d'emotions, j'ai prefere m'en aller en me promettant de retourner de nouveau a An Loc mais seul car ceci est mon histoire et je veux la vivre tout seul. Je suis retourne au Vietnam dans le Sud une autre fois en 97, mais comme je vous ai dit dans le premier billet consacre a An Loc, je n'y suis pas alle car je ne me sentais sans doute pas encore pret.

Cette fois oui, je me sens enfin en mesure d'affronter ce passe qui, meme s'il comportait beaucoup de moments heureux, etait aussi entache de terribles moments dus a cette sanglante bataille. Et une fois descendu de ce bus a An Loc ce 16 fevrier 2009, 37 ans plus tard et trouve un hotel, je me suis mis a deambuler dans cette ville qui a completement change, a part l'eglise qui a ete reconstruite sur le meme emplacement, tout est nouveau. Les quartiers ont ete redessines et aucune ancienne maison ou batiments administratifs de l'epoque n'ont subsiste. J'ai retrouve l'emplacement de ma ancienne maison grace a la rue qui existe toujours mais a la place de la maison, c'etait un terrain vague. Je l'ai reconnue aussi grace au puit qu'on avait dans le jardin et qui est maintenant bouche.

J'ai ipousse ensuite en direction de l'eglise, ou sur l'esplanade, la statue decapitee de la vierge pendant la bataille etait encore conservee en l'etat comme une sorte de relique. Et le bois derriere l'eglise dans lequel ma mere etait enterree est maintenant un verger agremente de quelques maisons et clotures par des barrieres. J'ai du me contenter d'une priere silencieuse pour ma mere en pensant tres fortement a elle, et j'ai comme l'impression qu'elle est la et qu'elle m'entend. Et cela m'a donne une sorte de serenite apaisante. Par la suite, j'ai poursuivi mon pelerinage a travers la ville pendant de longues heures et a chaque fois en croisant des gens, je les entends murmurer sur mon passage: vous avez vu, on dirait un Americain, il etait peut-etre un conseiller militaire ici pendant la guerre. Ou: que fait-il ici cet etranger, il n'y a rien a voir ici pourtant. Tout cela en pensant que que je ne comprend pas le Vietnamien. Amusant non ? Un detail qui a son importance, les gens qui vivent a An Loc maintenant sont composes de quasi 97, 98 % de gens qui n'ont jamais vecu ici jusqu'en 1972 compris. En tout cas, je n'ai trouve personne de connue de l'epoque.

J'ai aussi l'impression, plus nette que les autres fois encore, que j'ai definitivement le c... entre deux chaises. Je ne sais plus si je suis encore un peu vietnamien ou deja trop suisse. C'est vraiment tres etrange ! Etrange aussi la nuit que je passe a An Loc, avec la fatigue certainement, mais aussi avec un calme si inhabituel pour un ancien du temps de guerre comme moi, j'ai dormi comme un bebe sans l'ombre d'un cauchemard. Ce n'etait pas comme ca dans ces annees troubles. Et peut-etre aussi que je me sens un peu plus apaise, maintenant que j'ai affronte ce que j'appelle les fantomes du passe. Je me suis toujours reproche de n'avoir pu aller chercher ma mere mais je me dois de faire une raison. C'est surement ca le destin, il etait ecrit pour tous quelque part la-haut par une main invisible et on ne peut surement pas aller contre le cours des choses. Dans tous les cas, ce retour m'a fait enormement de bien. Et il n'est pas impossible que je reviendrai encore a An Loc mais dans un autre esprit pour tourner definitivement la page. Il m'a fait chaud au coeur aussi de voir que la ville s'est relevee et est maintenant une cite pimpante, dynamique, plus grande et plus belle qu'avant. Au revoir ma chere ville de mon enfance et a bientot, qui sait ?

Voila mes amis, ainsi finit ce chapitre "Anlocien" un peu triste mais ca m'a fait du bien de raconter cette histoire qui me permettrait d'exorciser definitivement ces souffrances communes a beaucoup de Vietnamiens de mon epoque qui ont eu a subir une guerre des plus longues et des plus destructrices pour des generations. Promis, les prochains billets seront beaucoup plus gaies et dans le ton des vacances. Vous embrasse bien fort.

JPB

Wednesday, February 18, 2009

Sur les traces du passe 2 (An Loc - premiere partie)

"Nguoi xuong An Loc sua xoan di, chung toi ngung 5 phut chuoc khi ma xe tiet tuoc di Bu Dop"* La phrase de l'aide-chauffeur me tire brutalement de ma torpeur. J'ai du m'assoupir depuis un petit moment, ecrase par la chaleur qu'il fait dans ce mini-bus qui draguait des clients depuis bientot 3 heures le long de la route nationale 13, surnommee a mon epoque la route sanglante. Nous sommes arrives a An Loc, qui est maintenant une petite ville plutot coquette de premier abord, plus rien a voir avec la petite bourgade endormie que j'ai connue dans mon enfance. A la descente du bus, j'ai mis un petit moment pour me rendre compte qu'en fait, on se trouve dans la rue principale qui traverse la ville dans toute sa longueur. Et la, le passe longtemps enfoui en moi, a la fois bien lointain et en meme temps tres proche, me revient d'un coup a la surface.


Nous sommes fin Mars 1972 , en pleine saison seche, propice aux grandes manoeuvres militaires comme ca a toujours ete le cas ici au Vienam depuis bientot plus de 15 ans que la guerre civile perdure. Les nouvelles sont alarmantes depuis quelques jours, il parait que Loc Ninh, l'avant-poste d'An Loc situee a 25 km de la est sur le point de tomber. Et les renforts heliportés depuis d'autres regions du Vietnam commencent a affluer en nombre a An Loc. On a jamais vu autant de militaires en ville. On dirait que toute la ville est en vert treilli ! Les pauvres, ils ne savaient pas ce qui les attendait en face plus tard, et nous non plus !

En ville il y a une tension presque palpable. La route vers Saigon est bloquee par les forces communistes, plus rien ne peut sortir, ni entrer. Les gens commencent a faire des provisions en vue de tenir, si non, un long siege, au moins de quoi tenir sur la route au cas ou on peut fuire les combats qui s'annoncent. Les chanceux, ou qui ont des relations ont pu partir se mettre au chaud avec les rares derniers helicopteres qui acceptaient des civiles a bord. Les autre, comme ma mere et moi, se preparaient au pire tout en esperant encore un miracle, comme les autres fois.

Il faut dire que ce n'est pas la premiere fois que la ville connait une telle situation, mais a chaque fois, on passait a cote de l'orage. Nous continuons a esperer, a prier pour que cette fois encore, ca se passe comme les autres fois. Comme lors de l'offensive du Tet en 68 par exemple, ou quasiment toutes les villes du Sud etaient touchees, mais nous, on a eu juste quelques escarmouches sans gravites. Alors pourquoi ce ne sera pas de nouveau comme ca, se disait-on.

Mais cette fois, ca a l'air serieux, Loc Ninh est tombee, la nouvelle est confirmee a la radio. Et quelque chose nous dit que le miracle ne se reproduirait plus. Nous sentions que l'attaque de la ville est imminente, mais nul ne sait quant exactement. Nous sommes dans les premiers jours du mois d'Avril, les catholiques celebrent les fetes de Paques, il fait un temps magnifique, tout semble irreel car les gens continuent a vaquer a leurs occupations, juste les ecoles etaient fermees, pour les conges de Paques. Les commerces sont ouverts, et l'eglise de la ville est bondee de fideles. Comme si on voulait conjurer le mauvais sort qui allait s'abattre sur cette petite cite de 10000 ames.

An Loc a l'epoque, etait une petite bourgade perdue loin de Saigon, plutot quelconque mais jouissait, en matiere de geostrategie, d'une importance certaine car c'est le dernier verrou qui commande l'acces a la capitale du Vienam du Sud, a 110 km de la. Et elle avait aussi le tort de se trouver a une trentaine de kilometres a peine du Cambodge voisin qui servait a l'epoque de sanctuaire inviolable des forces communistes Nord-Vietnamiennes. Et c'est justement a cause de tout ceci que la ville est un endroit peu sur. Les habitants de la ville vivent dans un etat d'insecurite permanent a l'exception de quelques periodes d'accalmie vers la fin des annees soixante dues surtout a l'incursion enfin decidee des troupes sud-vietnamiennes et americaines au Royaume Khmer suite au coup d'etat de Lon Nol contre le roi Sihanouk. On subissait souvent des pillonages, voire des attaques eclaires qui ont toujours lieu la nuit avant que le calme ne revienne au petit matin. Bref, on etait plutot blinde et un peu fataliste en ce qui concerne les risques et avait pas mal d'habitude en matiere de guerre, et aussi habitue a vivre coupe du monde. C'est que la seule route qui mene a la ville, la nationale 13 precisement, etait la plupart du temps coupee par les communistes et tres souvent la ville ne doit son approvisionnement qu'aux avions de l'armee.

La ville vit principalement de l'industrie du caotchouc et est, de ce fait, entouree de forets d'heveas, les arbres qui saignent. Une industrie appartenant a une grosse compagnie francaise (La Compagnie des Terres Rouges) qui a du frayer avec les communistes, sous forme de paiement de grosses taxes pour pouvoir continuer ses affaires pendant tout ce temps de guerre. C'etait un secret de polichinelle et tout le monde faisait comme si, y compris de la part des autorites sud-vietnamiennes. Ces arbres forme une espece de jungle qui enserre la ville, favorisent ainsi les embuscades le long de la nationale 13 et constituent des cachettes ideales pour les assaillants.

Avec ma mere, nous habitions une petite maison non loin de la lisiere de la ville qui, comme presque toutes les villes du Sud a l'epoque, est entouree d'une sorte de defense sur tout le pourtour (on appelait ca des hameaux strategiques) et la situation de notre maison, nous expose ainsi a plus de risques sur les autres habitations plus au centre, loin de cette ceinture defensive relative qui entoure la ville.

Cela fait deja quelques nuits, comme toujour en cas de tension, que ma mere m'envoie dormir la nuit chez des connaissances du centre ville, esperant ainsi m'epargner le risque d'etre emmene de force par les communistes en cas de razzias (comme decrit plus haut: une attaque eclaire la nuit, puis ils se retirent au petit matin) comme c'est deja arrive malheureusement a certains des jeunes de mon quartier. C'est que nos amis communistes avaient besoin de bras, et les jeunes de 16, 18 ans comme nous a l'epoque faisaient tres bien l'affaire.

Il est maintenant bientot une semaine que cette situation perdure, et les nouvelles entendues a la radio sont toujours plus alarmantes. On parle d'une attaque de grande envergue sur beaucoup de localites du Sud-Vietnam. Une attaque finale de part des Nord-Vietnamiens nous dit-on. Et deja que Quang Tri, la grande ville du Centre est dans leurs mains, celle de Kon Tum sur les Hauts Plateaux est sur le point de l'etre, et si An Loc tombe aux mains des communistes, c'en sera fini du regime du Sud.

Et ce soir la, un de plus, je m'en allais dormir chez des amis du centre ville avec mon baluchon d'habits et une petite somme d'argent que ma mere me dit de garder pour le cas ou nous sommes separes et des recommendations au cas ou le pire se passerait. Et le plus important, me disait-elle, s'il lui arrive quelque chose, et que je m'en sors, la premiere chose a faire serait d'aller m'annoncer au Consulat Suisse a Saigon. Oui maman, je lui dis, mais mon insouciance de jeune homme fait que je pense qu'il ne sera pas necessaire d'en arriver la. Je me suis lourdement trompe !

La nuit etait plutot calme, a part quelques explosions d'obus, notre menu habituel. Et le matin, nous sommes un 6 ou un 7 avril je ne sais plus tres bien, se leve avec un soleil radieux. En disant a mes amis que je m'apprete a rentrer chez moi, tout-a-coup, on voit passer des soldats sud-vietnamiens de la 18e division qui passent devant les maisons et ca n'avait rien d'un repli tactique en bon ordre. Certains ont commence a jeter les munitions, les fusils et enlevent leurs habits militaires en se retrouvant en calecons et maillots de corps. Et tous nous dit de partir car, disent-ils, les communistes arrivent. Ce que nous ne savion pas, c'est que la defense Est de la ville a ete percee presque sans combattre, et au meme moment, j'entendais les bruits de chenilles de chars, je n'y comprenais plus rien, car normalement les communistes n'avaient pas de tanks. Et aussi dans le meme temps des bruits d'avions et des bombes qui nous explosaient tout autour. C'etait un moment de panique totale. On ne sait plus qui est qui. En grimpant sur le toit pour esperer voir quelque chose je voyais sur la route en contre bas, des colonnes de Bo Doi (les fameux soldats du Nord) en casques de latanier et armes de AK 47 qui s'avancaient escortes par des tanks T54 russes. Mon dieu, c'est la fin du monde, me disais je, car avec ces tanks, ils ont un avantage certain. Et tout d'un coup, des bombardiers sud-vietnamiens qui piquaient sur les chars communistes. S'en suivaient une situation completement brouillonne, on se demandait ce qu'il fallait faire. Partir ? nos baluchons d'habits et de vivre etaient prets. Et ou aller ? Ou rester pour le moment ? Et a tout moment, des elements epars de l'armee du Sud, par petits groupes, toutes unites melangees passent devant nous prudemment, cherchant a rejoindre d'autres soldats en nous demandant si la voie etait libre. Au moins ceux la etaient decides a se battre. Quant a nous, nous nous demandions toujours ce qu'il fallait faire.

En debut d'apres-midi, la situation etait toujours aussi confuse, avec des explosions, suivies de moments de calme presque effrayants. Apres de longues conciliabules, les gens du quartier ont decide de partir car l'endroit etait devenu la premiere ligne maintenant que les defenseurs de cette partie etaient en pleine debandade.
En sortant de ce quartier constitue de beaucoup de venelles, nous debouchons sur cette fameuse rue transversale de la ville et la, ce que nous voyions nous remplissait d'effroi. Des carcasses de chars fumants, de vehicules militaires detruits, des cadavres de militaires des deux camps, et de civils jonchaient la rue. D'autres blesses qui reclament de l'aide. Certains etaient dans un etat desepere et qui agonisaient en pleine rue. Et comme nous sommes legerement sur une hauteur, nous avons vu que l'autre moitie de la ville, la partie est, est completement rasee et des colonnes de fumees s'elevent de partout. Une vision dantesque !
Le bruit courait parmi la foule, comme quoi, il faut aller se refugier a l'eglise vu que l'autre edifice religieux de la ville, une pagode, est deja reduit en cendre. Nous y sommes arives haletants, entre les balles qui sifflent, des gens qui tombent et les explosions des bombes larguees par les bombardiers sur les tanks communistes. Et la, j'avais le bonheur de retrouver ma mere qui s'y trouvait deja et nous sommes tombes dans les bras l'un de l'autre.

C'est ainsi que debutait en ce mois d'Avril 1972, la bataille d'An Loc, surnommee le Stalingrad vietnamien, une des plus sanglantes de cette guerre et ou les civils innocents ont paye un terrible tribut. La vie, pour ceux qui ont trouve refuge a l'eglise, s'organise tant bien que mal et la, au moins on etait devant une position solidement defendue par des soldats sud-vietnamiens. Les premiers jours de la bataille se passaient entre frequentes attaques communistes et vigoureuses defenses sud-vienamiennes, avec les pauvres civils entre les deux qui se protegeaient comme ils pouvaient. Des morts et des blesses au quotidien, des blessures de presque rien egalent une mort certaine. Plus d'hopital, deja detruit le premier jour, et le peu de moyens medicaux aux mains des militaires sont destines en priorite aux soldats. On ne peut compter que sur la providence. Les jours passent ainsi, entre la fureur des affrontements selons les endroits de la ville surtout les nuits, my god, ces nuits remplies d'angoisse que je n'oublierai jamais. Certaines nuits, couche avec d'autres sur l'esplanade meme de l'eglise (le batiment lui meme, et les salles de classes de l'ecole catholique attenante sont d'abord pour les familles et les personnes ages et tout est rempli jusqu'au moindre recoin), j'assiste tremblant de tout mon etre aux deversements de milliers d'obus qui explosent tout autour en se disant quand ca va etre notre tour. Et l'angoisse aussi de ces attaques nord-vietnamiennes qui, si elles sont reussies et que nous ne sommes pas morts avant, pourraient signifier pour nous une longue vie errante dans la jungle de tous les dangers aux mains des communistes.

Bientot un mois que ca dure, par chance ma mere et moi, nous sommes toujours sains et saufs mais la nourriture commence a manquer a tous, notre reserve de riz est bientot vide, nous commencons a ajouter au riz des racines trouvees ici et la pour lui donner un peu plus de consistance et nous sommes toujours sous la menace de ce que j'ai decrit plus haut. Comme nous sommes entre deux feux, un soir, une incursion communiste a failli mal tourner pour les quelques jeunes que nous etions et comme un des jeunes a son frere qui est militaire dans la force territoriale base dans le QG de la ville qui se trouve dans la moitie qui tient encore de la ville, ses parents ont demande a ce dernier de le prendre en douce dans cette base militaire, au moins il ne risque pas d'etre emmene de force par des communistes pour servir de bras supplementaires. Il accepte de nous prendre egalement, les amis de son frere. Ma mere y voyait un endroit plus sur pour moi, alors elle m'a conseille de les rejoindre dans cette base. C'est ainsi que notre separation a commence car une fois parti la-bas, il sera difficile pour nous de revenir dans cette partie de la ville, le chemin etait risque car on peut se faire tirer a vue a tout moment.
JPB

- Se termine ici la premiere partie du billet consacre a An Loc mes chers amis, la suite dans le billet suivant. Vous embrasse.

* Les passagers pour An Loc sont pries de se preparer, 5 minutes d'arret et le bus continue sur Bu Dop

Sunday, February 15, 2009

Sur les traces du passe 1 (Saigon)

Il est 17h35, heure vietnamienne, le vol LH 771 de Lufhansa en provenance de Francfort amorce le dernier virage sur Saigon avant d'entamer sa longue descente en vue de l'atterrisage. Le processus du retour aux sources qui a germe dans mon esprit depuis pas mal de temps commence a s'approcher de sa phase concrete. J'ai les tripes nouees, comme inquiet de devoir affronter enfin les fantomes du passe. Allez, courage petit, me disais je, il est temps pour toi maintenant de faire ton devoir de la memoire.
L'aeroport de Tan Son Nhut, celui par lequel je suis parti du Vietnam en 1973 pour un depart qui se voulait definitif en laissant derriere moi un pays meurtri par une guerre fratricide qui a laisse des traces dans mon corps et dans mon esprit, est en cours d'agrandissement. Plus rien a voir avec celui que j'ai connu en 73 et en aussi en 97 lorsque je suis retourne dans le Sud du Vietnam en me contentant de faire le parfait touriste et de tourner autour du pot sans avoir le courage d'aller affronter mon passe. Les formalites sont expediées en deux temps, trois mouvements. Et ca aussi, rien a voir avec l'ancienne epoque.

A la sortie, on est happe par une chaleur etouffante, et assailli par une floppee de taximen tous plus fourbes les uns que que les autres. Comme il est tard, il n'y a plus de bus navettes, la plupart vous proposent des courses sans mettre le compteur et les prix peuvent doubler, voire tripler. A force de palabres, j'ai quand meme trouve un qui acceptait de faire fonctionner son compteur et hop, direction Pham Ngu Lao, le fameux quartier routard de Saigon. Pendant le trajet, j'ai eu la nette impression d'une hausse du niveau de vie des habitants de la cite par rapport a 1997. Un traffic dementiel, je n'ai jamais vu autant de voitures a Saigon. Et aussi des armees habituelles de motocyclistes qui se faufilent dans le flot de la circulation avec une dexterite qui confine a la temerite. Des buildings qui poussent un peu partout, et des boutiques qui rivalisent de marchandises en vue de la Saint Valentin. La mondialisation fait aussi des ravages ici car a mon epoque et dans les annees 80, 90, on ne savait pas ce que voulait dire la Saint Valentin ou encore Halloween, si non que c'etait juste une invention occidentale ! Une combine a depenser du fric pour rien.

Quant a Pham Ngu Lao, connu de tous les routards du monde, je ne l'ai plus reconnu, le quartier garde toujours l'esprit routard, vu la quantite de touristes sacs a dos qui le frequentent. Mais jusqu'a quand ? car l'embourgeoisement commence a le guetter. Heureusement qu'il y a toujours sur les trottoirs des stands de nourriture ou on mange divinement bien et pour pas cher. D'ailleurs mon repas du premier soir etait un enorme bol de "pho" avalee avec beaucoup de bruits comme font les Vietnamiens, assis sur un petit tabouret en plastique a meme le bitume .
Le pho est la fameuse soupe vietnamienne originaire du Nord du pays,avec des vermicelles de riz accompagnees de fines lamelles de boeuf, le tout dans un bouillon. Hum, miam, miam, je sens que je vais en manger beaucoup pendant mon sejour.

Le lendemain matin, en prenant mon "banh cuon" en guise de petit dej sur une de ces terrasses de bistrots improvises, entoure de Vietnamiens du petit peuple, conducteurs de "motobay" le terme vietnamien du moto-taxi, tireurs de "cyclo-pousse", petits employes etc..., je vois arriver avec surprise, une sorte de Lady occidentale, bien habillee et qui se met a ma table (les autres etaient toutes occupees). La conversation s'engage naturellement et Sharon, c'est son nom, est Neo-Zelandaise et vit a Saigon en donnant des cours d'anglais. En plaisantant, et comme on est le 14 Fevrier, Sharon me dit qu'on est entrain de feter la Saint-Valentin a notre facon, assis sur le un trottoir de Saigon devant deux "ca phe sua" l'extraordinaire cafe au lait condense tres populaire ici au Vietnam. C'est drole en effet, et j'y vois un clin d'oeil marrant car la Nouvelle Zelande est une des destinations de la suite de mon voyage. Normalement on devrait se revoir avant mon depart du Vietnam, histoire de se dire au revoir devant un "ca phe sua" justement. Sympa !

J'ai ensuite contacte Claude, un ami Suisse qui vit a Saigon depuis trois ans et il me proposait de les accompagner le soir meme, lui et son amie vietnamienne, au concert de Fabba, ces clones du fameux groupe suedois qui remplissent les salles du monde entier depuis quelque temps avec le spectacle "Mamma mia" tire d'une des chansons d'Abba. Nous avait rejoint un autre ami de Claude, Axel le Belge qui est aussi 1 expat au Vietnam. La salle n'etait pas completement remplie car il faut dire que les billets sont un peu chers pour le vietnamien moyen. Si non, le spectacle etait super avec ces morceaux qui ont berce une partie de ma jeunesse.
C'est drole car a mesure que les chansons s'egrenent dans cette salle, dans l'etat d'eprit que mon voyage au Vietnam inspire, je me voyais transporte avec une certaine emotion vers une epoque qui correspond aux premiers pas du jeune homme timide que j'etais dans les premieres annees en Suisse. Et que la, en ce moment meme, je suis un quinqua a l'automne de sa vie qui s'apprete a retourner sur lieux de son passe au Vietnam. Ah, nostalgie quand elle nous tient !

Aujourd'hui, grasse matinee car on a fini tard, vous pensez bien. Apres le concert, comme c'est samedi soir et c'est aussi la Saint Valentin, meme si la plupart des vienamiens s'en foutent, Claude, Loi son amie et Axel, apres une semaine de boulot, avaient envie de decompresser. Alors cap sur l'Apocalypse, une des plus anciennes boite de Saigon post-guerre, son nom fait reference au fameux film de Coppola sur la guerre du Vietnam: Apocalypse Now, et ou un des plus fameux cocktail est le B 52, et comme ces terribles bombardiers, ils font un ravage terrible dans la tete. On est rentre au petit matin, so today, rest day. Quelques balades au marche Ben Thanh et le centre ville puis un petit tour le long de la riviere de Saigon.
Apres un super repas ce soir aux restos ouverts du marche Ben Thanh, je suis maintenant dans un de ces cyber-cafes pour tenir mon blog en pensant a vous mes chers. Voila mes deux premiers jours au pays, rien de tres special, je me prepare maintenant mentalement pour aller a l'essentiel du voyage, le retour a An Loc, la ville ou j'ai passe mon enfance et mon adolescence et qui est l'objet veritable de mon retour au Vietnam cette fois. Alors mes chers, je pense a vous, c'est vrai ! Et vous dis a bientot pour un autre billet dont la teneur en emotion sera certainement toute autre. Je vous embrasse tous tres fort.
JPB