Homo Burnatus

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Location: Vevey, Vaud, Switzerland

Un épicurien qui mord à pleines dents dans la vie

Tuesday, April 07, 2009

On the road again 4 (San Francisco et fin du périple)

C'est une maison bleue, adossée à la colline. Les gens qui vivent là, ont jeté la clé... San Francisco s'embrume, San Francisco s'allume... Comme chantait Maxime Le Forestier au début des années 70, San Francisco s'allume et s'éveille gentillement ce dimanche matin au moment où le vol NZ 8 d'Air New Zealand s'est posé à SFO International Airport. Une heure et demie plus tard, après un contrôle tatillon à l'immigration avec prises d'empreintes (tous les doigts des deux mains) et de photo, le BART (le RER local) me crache à la sortie de Mongomery Street Station, deux rues plus loin et c'est Grant Avenue, une longue rue qui monte et traverse le China Town de SF où se trouve mon hôtel.

Sur ma feuille de réservation remise par Hostelworld.com, il est indiqué que Grant Hotel "is at the corner of Grant - Pine". N'ayez pas l'esprit tordu, je vous prie. Et honni soit qui mal y pense car cela veut simplement dire que mon hôtel se trouve à l'intersection des deux rues: Grant Av. et Pine Street ! Et là, on est carrément en Chine, ça parle chinois, mange chinois, fait des petits chinois et on peut y acheter de tout. Des animaux vivants jusqu'aux babioles les plus chinoisées possibles. Moi, je suis plutôt content car là où il y a des chinois, il y a de la bonne bouffe pas chère et de la tranquillité. Tranquille dans le sens où il n'y a pas (ou presque) de problèmes de criminalité et autres. Les triades et autres maffias existent bien sur, mais c'est entre eux, et on n'emmerde pas les touristes. Les autres voyous de la ville n'ont pas intérêt à venir s'aventurer ici car les chinois ne tolèreront pas qu'on vienne perturber leur affaire.

En ce qui concerne la maison bleue adossée à la colline chantée par Le Forestier, si elle existe, ce serait impossible à trouver car des collines et des maisons bleues, il y en a partout. San Francisco est une ville qui met à rude épreuve la mécanique des voitures, et surtout, la condition physique des explorateurs urbains à pied comme moi. C'est une véritable montagne russe, ça monte et descend sans cesse. Des pentes qui feront passer celles de Lausanne pour de la gnognotte ! Et c'est justement ça qui confère à cette ville sa superbe beauté.

Elle n'est pas très américaine comme on pourrait s'imaginer avant de la connaitre. Très peu de hauts immeubles, San Francisco a toujours été différente des autres cités étasuniennes avec ses maisons victoriennes et ses fameuses rues en pente. Considérée comme une des plus belles villes du monde et connue pour sa tolérance, sa diversité ethnique et son regard toujours tourné vers l'extérieur. C'est une ville encore à dimension humaine (seulement 750.000 habitants) et on dit que c'est une ville à se reposer de l'Amérique. D'autant plus que, et ça m'intéresse, ici on peut marcher sans que cela paraisse suspect comme ailleurs aux Etats-Unis.

C'est aussi la ville la plus littéraire et la plus contestataire du pays. Ville natale ou d'adoption de grands écrivains comme Jack London ou Jack Kerouac, le pape du mouvement "beat" et ses copains A. Ginsberg, W. S. Burroughs, L. Ferlinghetti qui fustigeaient le conformisme ambiant et la satisfaction de soi, et dont le livre "On the road" a inspiré des générations entières. Son influence transparait encore récemment dans le très beau film de Sean Penn: "In to the wild".

Contestataire aussi car c'est du campus de l'Université de Berkeley de San Francisco que commençait la marche contre la censure et pour la liberté de la parole et c'est aussi d'ici qu'est parti le mouvement des étudiants contre la guerre du Vietnam qui a entraîné toute la jeunesse Américaine à leur suite.

Peace and love, les enfants fleurs, la révolution psychédélique..., ça vous connaît n'est ce pas ? Mais oui, c'est aussi à SF qu'est né le mouvement hippie. Berkeley était dans le coup, mais surtout Haight Asbury, le quartier mythique de San Francisco. Elle est vraiment "too much" cette ville qui a vu éclore aussi toute une génération de musiciens, propageant les discours de tous ces mouvements qui mettaient à mal l'ordre établi, comme Grateful Death, Janis Joplin, ou encore Carlos Santana l'enfant de Mission District le quartier dans lequel je me suis promené il y a peu.

Voilà mes chers, pendant ces 5 jours à SF, je n'ai cessé de m'escrimer, avec plaisir d'ailleurs, à monter et descendre (et à pédibus SVP) les montagnes russes de cette cité. Il est amusant ici de noter qu'un des quartiers qui contiennent les rues les plus pentues de la ville se nomme "Russian Hill" ! Et on y trouve Lombard Street, la rue la plus sinueuse du monde qui a été rendue célèbre au cinéma par les poursuites spectaculaires dans "Bullit" avec Steve McQueen. Il n'est pas rare en effet que je fais 20, 30 km par jours à pied pour explorer tous les recoins de cette belle ville qui ne cesse de m'enchanter.

Juste 4 blocs plus loins de China Town, se trouve North Beach, le Little Italy de San Francisco, autre quartier mythique de la ville avec son fameux Columbus Av., où on trouve toute sorte d'attractions, allant des cabarets froufroutants aux sympathiques bars en passant par les buoni ristoranti italiani. C'est aussi le berceau des fameux "beatniks" où Kerouac et sa bande avaient l'habitude de se retrouver au "Vesuvio Café" pour refaire le monde et où moi aussi, c'est presque un rituel, je venais chaque soir boire un dernier verre avant de rentrer à l'hôtel.
Juste à côté du "Vesuvio", on a la fameuse librairie City Light fondée par L. Ferlinghetti. On peut y entrer et lire toute la journée ce qu'on veut sans obligation d'achat et en plus le café est gracieusement offert. L'esprit des "beat" y flotte toujours comme entre les murs du Café Vesuvio. D'ailleurs la ruelle où se trouvent ces deux endroits mythiques a été rebaptisée il y a quelques années "Jack Kerouac Street" comme une dizaine d'autres rues San Franciscaines auxquelles la municipalité a rebaptisé avec des noms d'écrivains.

Un peu plus haut, c'est Telegraph Hill et sa fameuse Coit Tower du nom de la généreuse mécène Lily Coit qui l'a contruit pour offrir à la ville (heureusement pour elle qu'elle ne vivait pas en France, car avec un nom pareil !), une tour au sommet de laquelle, on a une vue imprenable sur toute la cité. En redescendant de la Tour Coit, par les escaliers menant à Filbert Street, le coin qui a inspiré, paraît-il, A. Maupin dans "Les chroniques de San Francisco", on arrive à Mongomery Street au 1360 devant une maison qui a servi de décor au "Dark Passage" un film avec H. Bogart et L. Bacall. Sur une des fenêtres, on voit encore une effigie de Bogey comme s'il guettait toujours l'arrivée des malfrats qui les poursuivent ! De là, on pique droit sur Fisherman'wharf d'où partent les ferries pour Tiburon, Sausalito et Alcatraz bien en vue au large.

Et oui San Francisco a été très souvent mise en valeur par le cinéma, et Alcatraz tient une place de choix dans la plupart de ces films. Cette terrible prison dans laquelle étaient incarcérés les criminels les plus endurcis de l'Amérique, fermée en 1963, a été depuis transformée en musée et visitée chaque année par plus d'un million de touristes. Le succès est tel qu'il faut réserver sa place 2, 3 jours à l'avance sur le ferry. Ce que je ne savais pas et en venant l'avant-dernier jour de mon séjour, j'ai failli rester à quai. Heureusement qu'il restait une place pour le lendemain car une personne l'a décommandée. Ouf !

Nous voici dans une des prisons les plus sinistres des Etats-Unis avec San Quentin, l'autre "terrible jail" située tout près de San Francisco dans le comté de Marin. La visite peut se faire en 2, 3 heures durant laquelle, le visiteur, muni d'un appareil audio retraçant l'histoire de la prison avec ses anecdotes, peut se promener librement sur l'île à l'exception de quelques endroits en réfection. Ici c'est la cellule occupée par Al Capone, là celle de Robert Stroud "the bird man", plus loin encore celle de "machine gun Kelly", les figures parmi d'autres tout aussi célèbres comme Frank Morris et les frères Anglin, auteurs d'une spectaculaire évasion portée à l'écran dont le titre français est: "Les évadés d'Alcatraz" avec dans le rôle principal le grand Clint Eastwood him self ! Et depuis le couloir G du pénitencier, les hublots donnent sur de magnifiques vues de San Francisco, une des plus belles villes du monde, presque à portée de main des prisonniers. Une torture certainement pour ces enfermés au long cours. Très intéressante comme visite et à la sortie, on a la possibilité d'échanger quelques mots avec Darwin Coon, un des derniers prisonniers de l'île à être libéré. Rangé des voitures depuis, le septuagénaire Mister Coon gagne maintenant sa vie comme écrivain et dédicace ses livres dans l'ancien bureau du directeur de la prison.

Au retour d'Alcatraz, il est temps de prendre un de ces vieux tramways d'époque retapé pour se rendre à Castro, le célèbre quartier gay de SF. C'est ici que l'on ressent le mieux cet esprit tolérant qui anime cette ville. C'est un quartier prospère, et où toutes les excentricités (gentilles) sont permises et où le drapeau "sei colori" de la communauté gay flotte fièrement sur la plupart des bâtiments. Il règne comme un air de fête dans ces rues proprettes où homos et hétéros se côtoient sans acrimonie et où les cinémas projettent des films d'art et d'essai français et autres plutôt que les blockbusters hollywoodiens. A propos de ce quartier particulier de SF, en revenant en Suisse, j'ai eu l'agréable surprise de voir à l'affiche des cinémas vaudois le film qui retrace l'histoire de Harvey Milk, le politicien homosexuel de Castro (joué par Sean Penn) qui a fait beaucoup pour sa communauté au prix de sa vie.

En prenant une bière dans un bar de ce quartier, je n'étais nullement surpris d'être abordé par un vieil homo qui me faisait plein de compliments sur mon physique et lorsqu'il m'entend dire que je préfère les femmes, il me disait sans se démonter que j'aurai changé d'avis si j'avais essayé, ne serait qu'une fois avec un homme. Thank you but no way ! Plus amusant qu'agaçant car le bonhomme ne se montrait pas insistant et s'incline courtoisement en me souhaitant bonne chance et désignant un panneau bien en vue dans le bar: Beware to pick-pockets and loose women !

De Castro, on peut continuer à pied (une trotte tout de même) en direction de Haight Asbury en passant par Alamo Square où se trouvent les "dames peintes" de San Francisco. Les "dames peintes" ici sont des plus belles maisons victoriennes restaurées de la ville. Et ce sont aussi les plus photographiées de San Francisco. Elles sont tout simplement magnifiques ! Ceux qui ont vu le très beau film des frères Taviani: "Good morning Babylon" se souviennent certainement d'une superbe scène où on voit les deux frères Bonnano dans un parc avec ces maisons en arrière-plan.

Quant à Haight Asbury, le quartier mythique de SF, qui tient son nom de l'intersection de deux rues Haight Street et Asbury Street. Ancien repaire des enfants fleurs et toujours aussi déjanté aujourd'hui ; il est devenu un quartier agréable à visiter et où la contre-culture hippie subsiste encore par le biais de l'art psychédélique et des boutiques complètement ouf ! On peut y faire aussi de bonnes affaires dans des friperies, voire dans des magasins de vinyles et croiser encore pas mal de vieux nostalgiques d'une époque révolue. Et pour la petite histoire, Janis Joplin vivait ici et sa maison existe toujours au 635 Asbury Street ! Un peu plus loin à l'ouest, on a le Golden Gate Park, l'équivalence san franciscaine du Central Park de New York mais encore plus grand et plus calme. L'endroit est propice à de sereines balades et contient une petite pagode chinoise et un jardin japonais magnifiques. Surtout valable pour la journée car le soir ça craint !

San Francisco c'est aussi Soma (South of Market) l'endroit pour sortir le soir avec ses bars branchés et ses discos pour faire la fête même si ça craint un peu le soir, surtout à la sortie des boîtes. Et c'est aussi le quartier du fameux Musée d'Art Moderne de SF (MOMA).

Juste un peu plus loin, c'est Mission District avec une population à majorité hispanique d'où est originaire Carlos Santana, où les murs sont couverts de fresques de toute beauté et on y trouve aussi la plus ancienne maison de San Francisco: La Dolores Mission !

Un autre des symboles de cette ville est le pont rouge du Golden Gate, un des ponts les plus célèbres du monde, accessible par bus ou par une promenade à pied d'un peu plus d'une heure depuis Fisherman's Wharf en passant par Fort Mason, un ancien fort militaire transformé en boutiques, galleries d'art, salles de spectacle etc... et à travers le Golden Gate National Recreation Area, l'un des plus beaux parcs de la Californie avec des sentiers pour la marche à pied ou pour la pratique du vélo. Une belle promenade le long de la mer avec la vue d'Alcatraz et du Golden Gate, au loin dans la brume pour de belles photos.
On peut aussi traverser le pont et aller jusqu'à Sausalito, petitte ville au nord de SF, célèbre pour les bateaux-maisons qui font de cette petite bourgade une ville flottante unique en son genre. De simples péniches transformées aux bateaux les plus excentriques. Très agréable aussi pour ses cafés et on y trouve encore ici et là, des petites communautés de hippies attardés bien sympathiques. Et quand SF est noyée dans le brouillard, le soleil brille de mille feux sur Sausalito. De là, pour rentrer sur San Francisco, on peut prendre le ferry et la vue sur la ville est à couper le souffle.

Pendant ces cinq jours ici, je suis allé manger tous les soirs dans un petit resto vietnamien à 2 pas de China Town. Un boui-boui sympa où on mange de superbes spécialités comme au pays et à prix doux. A la fin je suis devenu comme un ami pour cette gentille famille vietnamienne établie à San Francisco depuis plus de 20 ans et le dernier soir, le patron m'a réservé une petite surprise en proposant de m'emmener faire un tour en ville en voiture et aller là où on ne peut pas aller à pied, ni même en transport public. Comme par exemple Twin Peaks, les deux collines culminant à 280 mètres au dessus de la ville. Et de là-haut, sur la face nord, à un point nommé Christmas Tree, on a une extraordinaire vue d'ensemble de San Francisco et de sa baie. Tout simplement fantastique !

Je me souviens qu'en me montrant ce panorama grandiose, John (il a américanisé son nom) le patron m'a dit: "Chô này dông thieng dàng không ?" Ce qui donne en français: N'est ce pas le paradis ici ? Cette phrase résume bien, à mon avis, ce que ressentent les habitants de cette ville et aussi les visiteurs de passage ici. Le sentiment de vivre dans un magnifique endroit, prospère, multiculturel, et surtout d'une grande ouverture d'esprit.

Ce n'est pas pour rien que San Francisco est la ville américaine, grâce ou à cause de cette réputation de grande tolérance, qui compte le plus de communautés aux moeurs qui auraient valu à leurs membres quelques complications ailleurs dans ce pays réputé conservateur.
A ce sujet, sous forme de boutade, John me disait qu'il a perdu une partie de ses collègues femmes hétéros qui quittent la ville après 2, 3 années passées à San Francisco malgré les qualités de vie qu'elles ont ici car il est difficile pour elles de trouver un compagnon de vie. Vu qu'un San Franciscain sur deux est soi-disant gay !

Voilà mes chers, après 5 magnifiques journée passées dans cette ville, l'une des plus belles du globe, mon voyage autour du monde (géographiquement parlant) arrive à son terme. Après des kilomètres parcourus à travers l'Asie, l'Océanie et l'Amérique. De superbes rencontres, des images plein la tête, et des souvenirs pour toute la vie. C'est le moment de rentrer au bercail, là où m'attend la vraie vie. Revenir pour mieux repartir comme qui disait. Alors, je vous embrasse tous très fort et vous donne rendez-vous l'année prochaine, pas à Marienbad non ! Mais quelque part sûrement en Sibérie. Enfin peut-être ! A plus salut !

Homo Burnatus

P.S.: ce billet n'a été écrit que maintenant car au prix que coûte la connexion Internet à San Francisco (2 USD les 5 minutes), ça aurait fait un petit trou dans mon budget car je ne prépare jamais à l'avance mes textes. Jamais de notes au préalable, ce n'est qu'une fois devant l'ordi que je laisse libre cours à mes inspirations selon les événements vécus. Du coup, pour un billet, quelques fois ça pourrait prendre deux, voire trois heures. Et à mon retour, avec tout ce qui a à faire, je l'ai un peu laissé de côté. Désolé pour ce retard non voulu.