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Location: Vevey, Vaud, Switzerland

Un épicurien qui mord à pleines dents dans la vie

Wednesday, May 18, 2011

Sur la route de l'Orient 2 (Transiberien Moscou - Pekin)

Il commence a pleuvoir fort mais quand il faut y aller, il faut y aller ! Et le vieux de charger son gros sac sur le dos, sa besace en bandouliere et apres un au revoir a Bertrand, l'ancien commando de l'armee de l'air francaise et accessoirement patron de HM Moscow Packbacker, sort dans la rue et s'engouffre dans un metro a la station Arbatskaya en direction de l'arret Komsomolskaya qui debouche directement sur la gare d'Iaroslav d'ou partent les trains longue-distance vers Vladivostok, Oulan Bator ou Pekin.

Voila, apres deux jours a Moscou, il est venu pour moi le temps d'une autre aventure revee depuis longtemps et dans quelques instants est en passe de debuter reellement: Le Transiberien, ce train mythique qui fait fantasmer des generations entieres de voyageurs. Mais avant cela, il faut encore trouver des informations importantes concernant le voyage et le train lui-meme. Car la gare Iaroslav qui est pourtant une des plus importantes de Russie et point de depart pour les grands trains internationaux, n'a meme pas un kiosque d'information. Et le seul tableau lumineux ne transmet que des infos en Russe. Avec d'autres voyageurs de l'Ouest qui prennent le meme train que moi ou pour Vladivostok, nous harcelons, mais en vain, les employes de la gare ou les flics car personne ne parle un traitre mot d'Anglais ou autre langue que le Russe. Finalement, nous avons reussi a comprendre que les infos concernant tel ou tel train n'apparaissent sur le tableau que 20 minutes avant son depart. Et c'est la qu'il faut etre capable de transcrire ou de deviner les mots qui representent Moscou et Pekin.

Bon, tout s'est bien passe, le mien part du quai 5 et l'embarquement se fait env. une demie-heure avant son depart prevu a 21h45. Quelques achats de derniere minute au Mini Super Market de la gare et c'est enfin l'embarquement. Premiere surprise: au lieu d'un train russe (du moins pour le segment jusqu'a la frontiere mongole, comme c'etait le cas a l'epoque), c'est un train chinois. Et le personnel est tout compose de fils du ciel aux visages impassibles, a l'exception d'une commissaire russe qui jouera un role importante plus tard au cours du voyage comme vous le verrez. Et le wagon-restaurant est lui aussi russe avec un drole de personnage repondant au doux nom de Vladimir et son sourire edente qui ferait de longs voyages aller-retour entre les wagons pour essayer de nous fourguer son stock de bieres au prix fort.

Tuc, tuc, tuc.... le train s'ebranle pour un long trajet de 6 jours et il est temps maintenant de faire connaissance de mes compagnons de voyage. Je partage mon compartiment avec un jeune couple d'Australien fort sympathiques. Tania et Paul, deux trentenaires qui font un trip de 2 ans (oui 2 ans !). Ils ont commence par l'Afrique du Sud pendant la Coupe du monde de foot, d'autres pays africains, l'Europe dont plus d'un mois en Russie avant de s'embarquer dans ce train pour la Mongolie. A cote, nous avons pour voisins une famille mongole avec leurs deux adorables enfants pleins de vie, un garconnet (Arsea) et une filette (Sondrot). Plus loin, trois jeunes mongols dont deux freres Dashka et Tungut qui sont aux etudes a Moscou et un jeune boxeur Ourgun au nez ecrase caracteristique. Puis Svein et Harald, deux vieux Norvegiens retraites des chemins de fer de leur pays et qui sont emerveilles comme de grands enfants par ce beau voyage. Puis Ann, une delicieuse vieille dame anglaise qui parle un francais des plus academiques et qui a dans son compartiment un compagnon japonais (un gars super-organise et qui a tout: cafe, sucre, lait et bien d'autres choses). Dans le dernier "compart" il y a Sonia, une Americaine qui a tout largue: son job de graphiste a Los Angeles, son ami, sa maison ... pour entamer un long voyage de deux ans qui debute precisement par ce Transiberien, et un vieux monsieur mongol taciturne restant toujours en retrait.

Comme vous voyez, on n'etait pas nombreux pour toutes ces voitures aux compartiments de 4 couchettes. Tant mieux car nous pouvons ainsi avoir plus de place pour nos gros sacs et sutout pour les trucs invraisemblables que nos compagnons Mongols ramenent avec eux de Moscou.

Et la vie de commencer a s'organiser a bord. Six jours de voyage dans un train qui sera notre maison, ce n'est pas rien. Premiere constatation: les douches qui avaient dans chaque voiture sont supprimes et transformees en depots de materiels et autres. Cela veut dire qu'il va falloir se laver "a la chinoise" avec le petit lavabo qui a dans chaque cagibi d'une voiture et qui sert aussi de WC. Il faut faire avec ! Avec mes deux australiens, le courant passe fort bien. Paul est un sacre "boute-en-train" (c'est le cas de dire), une vrai pile qui ne s'arrete jamais. Il nous a meme organise un tournoi de bowling dans le couloir du wagon avec des petites bouteilles de shampoing et autres et une boule faite d'osier de sa fabrication ! On s'invite souvent les uns, les autres, une fois que les connaissances sont faites, pour un the, un cafe etc... Et de bons moments de conversations dans un bon esprit de voyageurs responsables. Le wagon-restaurant n'avait pas trop de succes car les prix sont assez chers. Nous nous contentons souvent de viande froide, pain toast, et les incontournables nouilles-instantanees. Dans chaque voiture, il y a toujours un gros samovar d'eau bouillie constamment maintenu par un feu de charbon. Dans chaque equipe de 2, 3 preposes a chaque voiture, un est devolu a cette tache si importante car sans ca, plus de nouilles, de the ou de cafe possible.

Apres un premier arret a Vladnir dans la banlieu de Moscou, ainsi que 3 autres au cours de la nuit, le lendemain, nous entrons dans l'Oural et la premiere ville d'importance sur notre route: Perm vers 17 heures de l'apres-midi avec un arret de 25 min. affiche sur le tableau de marche de notre wagon. Nous sommes descendus faire quelques pas et pour d'autres, l'occasion d'acheter encore quelques nourritures proposes par des vendeurs ambulants comme a chaque arret. Il est temps de remonter dans le wagon car les chinois commencent a s'agiter. Le train part, tout le monde est la sauf Tania et Paul. Panique a bord, et nous voyons revenir Tania depuis l'autre voiture mais seule. En tournant la tete, je vois avec stupeur Paul sur le quai qui fait de grands geste en notre direction et nous courant apres. Tout le monde hurle, demande aux Chinois de faire arreter le train mais ce n'etait plus possible. Tania etait completement effondree en larmes et nous faisons ce que nous pouvons pour la tranquiliser. S'ensuivaient toute la nuit de longues conciliabules entre la commissaire russe et le chef de train chinois et personne ne pige rien car ils ne parlent que le russe. Et quand la commissaire russe essaie de se montrer rassurante a Tania, celle-ci s'inquiete encore plus car elle ne sait tjs pas ce qu'il est advenu de son Paul seul quelque part dans un pays etranger sans argent, ni passeport et avec le froid qu'il fait encore en ce moment dans cette contree, il n'avait qu'un t'shirt, un bermuda et des tongs aux pieds ! Finalement, Anne et moi, nous avons parcouru toutes les voitures pour essayer de denicher une peronne qui parle a la fois le russe et aussi l'anglais pour servire d'interprete. La derniere voiture est en vue et on trouvait tjs personne. Et au dernier compartiment de cette derniere voiture, sans blague, le miracle a eu lieu en la personne d'une jeune fille mongole enceinte jusqu'aux yeux et qui maitrise les 2 langues. Ainsi nous avons appris que Paul a ete mis dans un train local et deja en route pour Sverdlovsk, le prochain arret de notre train. Et il arrivera vers 4 heures du matin. Le personnel de Sverdlovsk a ete prevenu du cas et Tania doit y descendre pour recuperer Paul et prendre le train du lendemain ensemble pour la Mongolie. Tout est bien qui finit bien. Par contre j'ai perdu deux joyeux et attachants compagnons, mais gagner tout le compartiment pour moi tout seul. Alors la, liberte totale la nuit, dormir dans la tenue que je veux, ronfler autant que je peux, et me lever a l'heure que je veux, ce n'est pas plus mal.

Depuis deux jours, nous sommes dans la Taiga, ces grandes forets de coniferes avec de magnifiques couchers du soleil, entrecoupee de temps a autre par des petits villages typiques aux isbas de bois. Le temps est encore bien frais dans l'Oural et nous nous rapprochons gentiment de la Siberie proprement dite. Ce qui fut fait avec l'arrivee a Novosibirsk deux jours apres notre depart. La temperature a encore chute mais dans notre petite communaute, le moral est au beau fixe car Tania a pu avertir Anne par SMS que ses retrouvailles avec Paul se sont bien passees. La vie de bord continue son bonhomme de chemin: lecture pour certains dans certains moments (j'ai pris avec moi les oeuvres choisies de Blaise Cendrars, un pave de 1372 pages au titres evocateurs de: "Partir" - et son celebre poeme de circonstance: "Le voyage en Transiberien et la Jeanne de France" ou encore "Bourlinguer") il y a la de quoi m'occuper un bon moment pendant les periodes creuses du voyage. Meditations pour d'autres, ou exercices physiques pour notre boxeur Ourgun. Ou encore des disscussions portant sur les voyages faits ou a faire. Il fait tjs une temperature plutot basse pour la saison et le paysage est tjs la taiga et les isbas des villages siberiens et que voila, nous arrivons a Irkutsk. La, certains passagers descendent pour la visite du lac Baikal tout proche. Et d'autres, montent dans le train et continuent sur Oulan Bator ou Pekin. C'est ainsi que nous avons accueilli deux jeunes suisses allemands: Reto et Luciano. Ils ont ete a Irkutsk pour le Baikal et poussent maintenant sur Pekin. De sympa gaillards et grace a Luciano et a son adaptateur 3 branches, j'ai pu charger au moins une fois mon ordi. Cela rend bien service. A part ca, toujours la taiga et cette satanee heure de Moscou imposee a ces regions qui traversent 7 fuseaux horaires selon mon compagnon japonais.

Ce qui fait que du coup, on est completement a l'ouest car c'est completement artificiel. Il est cense etre 1 heure du matin et il fait clair comme en plein jour par ex. Un beau matin, on se reveille et le paysage change. On est entre dans les steppes d'Oulan Oude le dernier espace russe avant la frontiere mongole. Et enfin le train entre dans Naushki le poste frontalier avec la Mongolie. Trois heures et quelque d'arret et l'occasion de changer les derniers roubles pour la monnaie momgole. Controle minutieux des douaniers russes et juste avant le depart, 3 douaniers sont venus dans mon compartiment. Apres m'avoir prie gentiment de sortir, ils ont commence a demonter le plafond. Je peux vous dire que je fais une drole de gueule car si par malheur, quelqu'un a planque une m.... la dedans, j'aurai surement plein d'ennuis. Et bien, il n'y avait rien et c'etait plutot pour un probleme electrique qu'ils ont voulu voir ! OUF !

Nous entrons maintenant en Mongolie, toujours la steppe et au loin de belles montagnes apparaissant dans le petit matin et voila Oulan Bator. Destination finale pour nos compagnons mongols, heureux d'arriver chez eux. Et aussi pour Anne qui s'y arrete pour 4 jours avant de passer en Chine. Emouvants au-revoirs, echanges d'Email etc... et nous repartons en direction d'Erlian la premiere ville chinoise ou nous arrivons vers 21 heures. Presque 4 heures d'arret sont necessaires ici car chaque wagon, un a un, est souleve pour etre pose sur d'autres rails chinois qui ont un ecartement plus grand que chez leurs voisins ruses et mongols. Encore une nuit, la derniere dans ce train et le lendemain c'est Pekin, la capitale chinoise ou nous arriverons a 14h04 heure chinoise. Precis comme indique sur le tableau de bord. Incroyable !

Nous nous sommes dis au revoir sur le quai. Nos norvegiens sont pris en charges par leur guide (un package qu'ils ont achete depuis la Norvege) Reto et Luciano prennent un taxi, tandis que Sonia et moi, nous nous engouffrons dans le metro car il se trouve qu'elle a aussi son hotel dans le meme quartier pres de Tian An Men que moi. D'ailleurs les 5 jours qu'elle passe a Pekin, comme nos hotels sont proches, il nous arrive souvent de boire une biere ensemble avant qu'elle ne parte sur Seoul.

Voila, je suis de nouveau a Pekin apres 2008, dans le meme "hutong" populaire et dans le meme hotel que j'avais a l'epoque. Je dois dire que les deux se sont vachement embourgeoises. Les rues du quartier sont maintenant dallees de marbre (certains etaient encore en terre en 2008) et plein de belles boutiques, restos, hotels etc... sont apparus. Mais on ressent encore son ame. J'espere que tout ceci ne va pas disparaitre. Quant a mon hostel, non seulement il a change de nom, mais aussi de personnel. La gentille Ma n'y est plus. Dommage ! Mais ils ont respecte le cachet unique de cet ancien repaire de courtisannes du vieux Pekin. Tant mieux ! Et apres 6 jours de train a travers la Siberie, on n'est pas mecontent d'etre ici dans un monde ou on peut se laver et manger correctement. Et pour manger, vous le savez bien. Le choix est immense ici.

Ainsi, j'ai profite de ces quelques jours ici pour faire un peu de tourisme traditionnel. Visiter les endroits qui n'ont pas pu etre visite lors de mon dernier sejour. Et pour compenser un peu ma frustration de rater une fois de plus le Tibet (de nouvelles lois sont decretees - le touriste individuel ne peut plus se rendre au Tibet - il faut etre dans un groupe avec package deja goupille depuis le pays de depart et a ces groupes, les autorites colleraient d'office un guide officiel etc..., etc...) je suis alle passer deux jours en altitude dans une ville qui s'appelle Chengde a 250 km env. de Pekin et qui a une particularite tres couru ici. Elle a, cette ville, un ensemble de temples lamaiques dont celui, magnifique erige au 17e par le roi Quing Long en honneur du Pancheng Lama de l'epoque. Et surtout, une replique du Potala, presque aussi grande que l'originale de Lhassa. Tres belle certe, mais qui rend encore plus grande ma frustration. Du coup, j'ai decide de passer plus tot en Ouzbekistan (je dois normalement y aller seulement le 20 Mai) afin de profiter un peu plus des beautes de ce pays.

Et ben voila, je suis arrive a Tashkent la capitale ouzbeke avant-hier par un vol de la China Southern Airlines. Une ville qui n'est pas trop mal pour une capitale d'une ancienne republique sovietique. Mais le voyageur vient ici surtout pour ses tresors architecturaux et historiques. Ces villes aux noms evocateurs de la "Silk Road" comme Khiva, Boukhara, et surtout Samarcand. Je me rejouis deja. J'ai pris un vol domestique pour Ouguentch, une ville situee a l'autre bout du pays pour ainsi revenir par sauts de puche a travers toutes ces sites avant de finir le dernier jour a Tashkent avant de rentrer sur Pekin.

Mais tout ceci, mes amis, sera l'objet du prochain billet doux. D'ici la, je vous dis a tout bientot et vous embrasse bien fort.

JPB

2 Comments:

Anonymous Marion de la BCU said...

Salut Jean-Pierre!
Quel talent tu as pour écrire, tu devrais faire un livre de ce voyage! La description de tes compagnons de voyage (j'ai failli écrire "personnages"!) est géniale :) et quelles péripéties! J'attends avec impatience ton prochain chapitre.
Bonne suite de périple!

2:44 PM  
Blogger JPB said...

Merci Marion pour ton gentil message. Suis tres touche. A bientot avec plaisir.
JPB

10:43 AM  

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